Westrand : une PME qui a du flair

De Saint-Petersbourg au Maroc, cette PME alsacienne de 20 salariés est leader sur un marché qu’elle a inventé : la désodorisation industrielle. Une réussite exemplaire.


Par Valérie Talmon, le 24/08/2009 

Tout juste rentré du Maroc, Brice Kaszuk pose pour quelques jours sa valise à Altkirch, en Alsace. Sa devise, « être au bon endroit au bon moment », lui fait parcourir de nouveaux territoires, sans relâche. Épuisant, mais payant. Le dirigeant de Westrand a en effet fait de sa PME de 20 salariés le leader de la désodorisation industrielle, un marché innovant qu’il a lui-même défriché.
Retour en arrière pour comprendre cette ascension. Nous sommes en 1992. Brice Kaszuk, après une première vie professionnelle dans l’industrie et la distribution d’ameublement, cherche une nouvelle voie. « Je sentais que l’environnement devenait une préoccupation croissante. Le hasard a fait que j’ai trouvé le bon filon. » Le bon filon, c’est un produit créé par un parfumeur de Grasse, Robertet, inédit mais inexploité : un neutralisant d’odeur. « Ce produit à base d’huiles essentielles, grâce à des réactions chimiques, fait plus que masquer les odeurs : il les neutralise. Je me suis dit que je tenais quelque chose. » 
Brice négocie avec Robertet une licence d’exploitation ainsi que la distribution exclusive. « Ce produit avait du potentiel, avec le développement des usines de traitements des eaux usées ou des déchets. Mais c’était risqué car inédit. Le produit était là, ne restait qu’à trouver sa mise en oeuvre industrielle. » 
Même s’il ne connaît absolument pas le secteur, Brice investit tout ce qu’il a, contracte des emprunts (« les banquiers me connaissaient, ils m’ont suivi »). Avec 1 million d’euros en poche, il fonde Westrand. L’aventure commence.

Du bon sens face à des clients dubitatifs

Le produit, en 1992, ne pouvait agir que sur 2 types d’odeur : l’hydrogène sulfuré et l’ammoniaque. « Notre premier défi, c’était d’en développer d’autres sur le même principe, en interne ou avec l’aide du parfumeur Robertet. Ensuite, comme la technique était inédite, il nous fallait trouver la mise en oeuvre adaptée. Nous avons étudié différentes techniques et nous nous sommes inspirés des techniques agricoles pour la pulvérisation. » Autre défi, et non des moindres : convaincre des clients. « Dans ce cas-là, la meilleure stratégie, c’est le bon sens. J’ai ciblé des professionnels du traitement des ordures ménagères et des eaux usés dans un rayon de 15 kilomètres autour de chez moi. La réaction des premiers contacts : ils ont souri… Mais ils nous ont laissé tester le produit. Ensuite, ils ne souriaient plus ! » Ils étaient convaincus ! 
Une phase de test et de démarchage qui aura duré 2 ans, sans salaire pour Brice. Mais il y croyait. Et il avait raison. « L’affaire a décollé en 2 ans. Un article dans la presse m’a fait connaître, le bouche à oreille a très bien fonctionné car le traitement des déchets et de l’eau est un petit milieu. »
Aujourd’hui, la PME de 20 salariés dégage un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros. 
Peu à peu, Westrand met au point 20 traitements différents permettant de s’adapter à un grands nombre de pollutions olfactives. « Nous avons aussi innové en termes de techniques. Au début, nous n’intervenions que par pulvérisation, dilution ou aspersion de nos produits. Nous avons mis au point des techniques à base de gel plastique et de gel biodégradable inspirés par l’industrie cosmétique. » 
Westrand ne cible que 3 marchés : les eaux usées, les déchets et l’industrie, les autres marchés cibles, comme par exemple le mass market, étant trop différents.

Une PME au secours du G20 en Russie !

Une des grandes réussites de Westrand, d’autant plus notable pour une entreprise de cette taille, est d’avoir su s’exporter. « Nous intervenons dans une vingtaine de pays comme l’Espagne, l’Italie, la Pologne, la Russie, la Polynésie où nous traitons les odeurs et accompagnons aussi la construction d’usines de traitements des déchets. L’export ne nous fait pas peur car nous avons d’abord attendu de parfaitement maîtriser notre métier tout près de chez nous ! Cela représente environ 25 % de notre chiffre d’affaires », explique Brice Kaszuk. Une telle présence internationale pour une PME de cette taille s’explique par une particularité : « Nous ne démarchons pas à l’international, car nous n’en aurions pas les moyens. Notre chance, c’est que c’est un petit milieu, et en général, ce sont les clients étrangers qui nous contactent. » 
Ainsi, fin 2007, l’entreprise a réalisé 2 chantiers à Alger pour la désodorisation des ponts de l’Oued El Harach, rivière qui traverse la ville et incommode quotidiennement près de la moitié de la ville d’Alger en raison des odeurs nauséabondes qui y règnent. Westrand a apporté sa solution en installant une rampe de désodorisation avec brumisation, sous le pont de l’autoroute et en traitant deux autres ponts avoisinants avec un gel désodorisant biodégradable. 

Le tour de force de Westrand, c’est d’avoir décroché un marché colossal : celui du traitement du plus grand cloaque européen, la lagune de Saint-Petersbourg, un marché d’un million d’euros ! « Les officiels de Saint-Petersbourg avaient contacté la CCI de Mulhouse afin de dépolluer leur site avant la tenue du G20 en 2006. La CCI m’a contacté et 3 jours après, j’étais sur place avec mes échantillons de produits. Dans ce secteur, la réactivité est une clé de réussite. » 
Alors quand, en 2009, un consortium européen remporte le marché de dépollution du site (24 millions d’euros), bien entendu, Westrand est de la partie ! « Ce chantier va nous demander 2 ans et demi de travail, c’est énorme. Bien sur, cela ne se fera pas sans difficulté : le traitement de la lagune (un million et demi de tonnes de boues nauséabondes) mobilise un pool d’industriels dont ils nous faut prendre en compte les délais et contraintes techniques. Sur place, nous formons le personnel chargé de répandre notre traitement, mais en cas de problème, il faut être réactif et y aller très rapidement. Cette lagune s’étend sur 65 hectares, et nous devons apprendre à composer avec le gel, le froid, les particularités russes… » 

Le bon sens de Brice Kaszuk lui fait aussi parfois refuser des marchés. « Nous avons failli ne pas aller en Turquie et nous refusons de travailler en Chine. C’est trop loin pour notre taille et nous craignons aussi la contrefaçon… »

La crise, quelle crise ?

Et la crise, alors ? La PME semble la traverser sans encombre : « Notre activité est encore plus importante qu’en 2008, qui a été pour nous une belle année… En fait, nous nous sommes tout de même préparés à la crise : nous avons réduit certains frais et reporté quelques investissements, mais globalement, nos clients sont toujours là car nous sommes aussi sur un marché de niche. » En outre, l’avenir semble prometteur : « Les mentalités évoluent. Les mauvaises odeurs sont de plus en plus considérées comme une agression, les exigences environnementales prennent de plus en plus de place. Et avec le développement et la croissance de nouveaux pays émergents, les besoins en traitement des déchets et donc des odeurs augmentent. » 

L’avenir, Westrand l’envisage sereinement : « Bien sûr, après avoir créé ce marché, nous avons vu débarquer quelques concurrents. Mais nous étions les premiers entrants. Et je vois ça comme quelque chose de positif car la concurrence nous oblige à être meilleurs. Veolia ou Suez nous regardent de près, mais ce sont avant tout nos clients. On s’amuse bien pour le moment. Peut-être un jour serons-nous rachetés. On verra ! » 

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